« Nous courons après le temps, l’idéal serait que nous ayons le temps ou l’énergie de demander au patient, quand on commence une alliance thérapeutique (c’est-à-dire une collaboration mutuelle patient/médecin), qu’est-ce qui détermine une bonne qualité de vie pour lui, et comment atteindre ces objectifs » reconnaît le Pr Decaux. Il souligne qu’il « faudrait pouvoir ouvrir un espace de discussion, avec l’équipe soignante, pour que le patient ait la possibilité d’exprimer ce qui est le plus difficile pour lui dans son quotidien et ses besoins pour se sentir bien ». Il déplore que certains symptômes comme la fatigue soient minimisés, « rien qu’en disant à un patient qu’elle est normale, nous bloquons la discussion ».
Pour Laurent Gillot, « vouloir tout objectiver est extrêmement réducteur et risque de fermer le dialogue ». Il insiste sur la subjectivité de l’expérience de chaque malade et donne l’exemple de l’hospitalisation à domicile, vécue différemment d’un malade à l’autre : « l’HAD n’est pas forcément un critère d’amélioration de la qualité de vie. Le fait que l’hôpital soit à la maison peut être source de stress, auquel s’ajoute la peur de perdre la technicité de l’hôpital ».
Maintenir une qualité de vie jusqu’à la fin de vie
La question de la qualité de vie ne s’arrête pas à l’efficacité thérapeutique, elle demeure cruciale même en fin de vie. Le Pr Decaux pose la question essentielle de l’intérêt d’une énième ligne de traitement, qui pourrait certes prolonger le malade mais dégrader sa qualité de vie : « On pourra peut-être gagner quelques mois de vie avec une 4ème ou 5ème ligne de traitement mais à quel prix ? Paradoxalement, accepter la mort, c’est gagner un temps de vie de qualité, cela peut permettre au patient de se préparer, d’avoir de vrais échanges, du temps, avec ses proches mais aussi d’éviter les malentendus d’un traitement qui aurait redonné de faux espoirs ».
Pour Laurent Gillot, quand on parle de qualité de vie, il est fondamental de pas occulter la fin de vie : « À l’annonce du diagnostic, soignants, bénévoles, nous sommes très souvent face à des personnes qui se posent deux questions : combien de temps me reste-t-il à vivre ? Comment ma vie se terminera-t-elle ? ».
L’espérance de vie s’est trouvée décuplée et la qualité de vie grandement améliorée. Ainsi, pour les malades et leurs familles, la mise en place de protocoles de soins, de plus en plus efficaces, atténue le poids de ce questionnement, d’autant plus si la préservation de la qualité de vie est assurée. Dès lors, la qualité de vie c’est notamment de permettre aux malades et à leurs familles de continuer à avoir des projets, mais aussi de bénéficier d’un accompagnement de qualité avec une réelle prise en compte de leurs questionnements et de leurs angoisses.