Entretien avec Hélène SUZANNE, Accompagnatrice en santé à l’Espace d’accompagnement patients et proches de l’ICANS à Strasbourg
Un bouleversement personnel et familial profond
La survenue d’un cancer a un impact très global sur la vie d’abord du malade mais aussi sur celle de l’ensemble de son entourage car il bouleverse la sphère professionnelle, sociale, familiale. « Il y a un avant et un après la maladie. Les priorités, les envies, le sens que l’on donne à sa vie, ne sont plus les mêmes » constate Hélène Suzanne. « Pour un patient en activité, les priorités vont se déplacer sur sa santé et non plus sur ses objectifs de carrière ».
L’impact de la maladie va porter également sur la vie sociale des malades et de leurs proches. « Les malades vont diminuer les sorties, les réunions de famille, limiter leurs activités, du fait de la maladie et des effets secondaires des traitements. Ils ont aussi parfois du mal à assumer leur image, liée aux changements physiques parfois importants, cela demande un temps d’appropriation. Il est aussi compliqué d’annoncer un cancer à ses proches, cela va générer soit une fuite de l’entourage, par peur de la maladie, soit une protection du malade et par conséquent un isolement. Changer le regard sur cette maladie est un vrai combat de société ».
Pour toutes ces raisons, la maladie isole le malade, mais aussi le couple et l’ensemble de la famille. « Elle change les relations et la place du malade au sein du couple et de la famille. Cet isolement peut engendrer des baisses de moral ».
Rompre l’isolement grâce à des gestes simples et de l’écoute
Pour lutter contre cet isolement, il est crucial de recréer du lien, en adaptant son quotidien. Hélène Suzanne invite les patients à « s’entourer de personnes bienveillantes, qui seront dans la compréhension des imprévus, comme une fatigue soudaine, nécessitant des annulations de dernière minute ». Elle recommande aussi de transformer les habitudes sociales « pour rester dans son environnement et pouvoir gérer les facteurs comme la température, les bruits environnants, la lumière... Inviter chez soi plutôt que sortir, aménager des temps de repos même au cœur d’un dîner, c’est entendable et compréhensible, plutôt que de se priver et se couper de sa vie sociale. Il faut aussi laisser entrer les proches qui veulent partager cette épreuve, cette « parenthèse de vie ».
Les proches doivent eux aussi apprendre à prendre soin d’eux. Trop souvent, ils s’oublient dans leur rôle d’aidant, au point de s’épuiser ou de perdre leur propre vie sociale. « Il est important d’accompagner également les aidants, ils deviennent aidants et ne sont plus amants, amoureux, père, mère. On peut être aidant tout en maintenant ses activités, ses loisirs, et ce, afin de ne pas vivre en vase clos ».
L’accompagnement proposé par l’ICANS prend en compte ces enjeux : 35 % des entretiens réalisés par Hélène Suzanne concernent des aidants. L’objectif est de leur offrir une place, un espace pour exprimer leurs doutes, leurs besoins, leurs droits. « Il ne s’agit pas seulement d’assister, mais aussi de permettre à chacun de continuer à exister en dehors de la maladie. Il faut que malades et aidants osent demander de l’aide et expriment leurs besoins ». « Les psychologues peuvent accompagner les malades et les proches dans ces changements et les aider à rompre cet isolement » ajoute-t-elle.
Recréer des repères grâce aux soins de support
« Ce qui est important, c’est de donner à chacun de nouveaux repères d’aides, que ce soit au sein de l’hôpital ou en dehors. Il y a des ressources disponibles et pour les malades et pour les aidants. De nombreux soins de supports sont accessibles au sein des hôpitaux pour les patients, notamment de l’APA, un soutien psychologique, mais aussi le partage d’expérience entre malades, ce dernier est aussi très profitable pour les aidants, cela peut les aider à déculpabiliser, à prendre un peu de distance, à libérer leurs émotions ».
L’ICANS et ses partenaires proposent une large offre de soins de support pour accompagner cette reconstruction personnelle et sociale. Activité physique adaptée (APA), soutien psychologique, ateliers de cuisine, loisirs créatifs : autant de ressources disponibles pour aider malades et aidants à retrouver des repères. Des assistantes sociales, à l ’hôpital et à l ’extérieur, accompagnent les malades dans les démarches administratives, le maintien ou la reprise d’une activité professionnelle. La Ligue contre le Cancer, de son côté, dispose de psychologues spécialisés dans l’orientation et la reconversion professionnelle, l’arrêt définitif ou temporaire du travail.
« Ce n’est pas facile d’accepter de changer de métier ou d’arrêter de travailler Il faut être accompagné dans l’acceptation du changement d’activité professionnelle et s’accorder un vrai temps de réflexion dans la construction d’un nouveau projet professionnel » souligne Hélène Suzanne. Ce maillage de soutien vise à redonner du souffle et du sens à ceux que la maladie a déstabilisés.
OÙ TROUVER DE L’AIDE :
- Les groupes de parole, associations, structures locales jouent un rôle crucial pour rompre l’isolement, créer du lien social et accompagner dans la durée.
- Trouver une association proche de chez soi : https://www.lavieautour.fr/
- Les assistantes sociales de l’hôpital de la CAF, CARSAT, des CCAS peuvent aider malades et aidants à trouver des aides dans leur région pour effectuer les démarches administratives, trouver des aides à domicile
- Cancer Info : https://www.e-cancer.fr/Patients-etproches/Cancer-info ; 0 805 123 124
- Les médecins du travail peuvent étudier les différentes solutions d’aménagement du temps de travail ou autres alternatives en cas d’arrêt définitif du travail.