Psychologie

Bulletin 54 -

Favoriser le bien-être psychique

L’annonce de la maladie, la peur de la rechute, les périodes de traitements, les examens médicaux peuvent fragiliser la santé mentale des malades et des aidants, qui doit être prise en considération autant que les traitements.

Entretien avec le Dr Anne-Sophe BOUGEARD, psychologue

Quels peuvent être les impacts psychologiques du myélome multiple sur les malades ? Sur les aidants ?

Le myélome vient affecter le corps et l’esprit et provoquer un tourbillon d’émotions chez le malade et ses proches. Il vient toucher tout ce qui fonctionnait bien avant, c’est une sorte d’usure silencieuse. Les douleurs, les effets secondaires des traitements vont impacter les émotions, la maladie va agir comme une loupe grossissante sur toutes les fragilités, elle va générer du stress, modifier la perception du malade sur son corps, l’estime de soi. Elle va limiter l’autonomie et par conséquent les activités et donc laisser émerger parfois une frustration, voire un isolement. Les soins, les traitements, les bilans vont engendrer des craintes, des montées d’adrénaline. Comment limiter, diminuer le stress, l’anxiété ? Malades et aidants vont devoir composer avec ce nouveau « compagnon de route » et se créer de nouvelles habitudes_: 

  •  S’informer auprès des professionnels de santé, des associations. La connaissance aide à apprivoiser la maladie, les émotions et les peurs.
  • Échanger et partager ses expériences, avec des personnes qui connaissent ou vivent une situation similaire. 
  • Exprimer ses émotions pour mieux comprendre ses besoins. 
  • Savoir faire des pauses, se reposer sans culpabiliser, maintenir des activités qui vont procurer du plaisir et adapter son rythme tout en acceptant que le corps ne peut pas toujours suivre.
  • Accepter de lâcher la corde. Apprendre à reconnaître et à renoncer à certaines croyances, comme « il faut être fort, courageux », est déjà une étape d’acceptation des émotions. 
  • Faire confiance aux autres et apprendre à déléguer, ne pas porter tout le poids sur soi. Oser demander de l’aide n’est pas aisé, car c’est reconnaître ses limites, ce n’est pas une faiblesse mais plutôt de la sagesse ! 

 

Vers quels soins de support peut-on orienter le malade ?

Les psychologues vont aider le malade à surmonter tous ces changements et à retrouver des ressources, mais aussi à s’appuyer sur le positif. Outre le soutien psychologique, la socio-esthétique va permettre au malade d’améliorer son image corporelle. Il peut également trouver des soutiens plus spécifiques, telles l’hypnose, pour apprendre à travailler sa respiration, l’art thérapie, la musicothérapie, des moyens d’expression qui permettent de libérer les émotions et de réduire le stress. Cela peut être des choses très simples aussi comme faire partie d’un club de lecture, trouver une aide dans la spiritualité...

 

INITIATIVE EN RÉGION : un atelier d’écriture au CHU de Rennes

Frédérique Pauthier est écrivaine publique. Elle a créé une association, « Écrire pour raconter », entre autres soutenue par l’ADHO (Association pour le Développement de l’Hématologie Oncologie). Depuis 2017, elle intervient dans le Service d’Hématologie du CHU de Rennes et propose des ateliers d’écriture, des lectures à voix haute et la rédaction de récits de vie aux malades hospitalisés, en chambre stérile ou « classique ». « Je leur propose un thème, par exemple sur la nature, avec des consignes précises, à l’image d’un poème ou de tout autre texte littéraire, voire une chanson, les invitant à s’exprimer sur le sujet, avec des rimes ou sous forme de dialogue. Puis je retranscris leurs propos, qu’ils améliorent au fur et à mesure ». Une fois le texte validé, il sera édité sous forme de journal, avec les textes des autres participants sur ce même thème.

 

F. Pauthier me confie que « les malades sont toujours étonnés de ce qu’ils sont capables d’exprimer, je suis impressionnée par leur capacité à me surprendre, leurs propos sont parfois très gais, parfois c’est un moyen de décharger leurs émotions. Ces séances permettent de libérer la parole, de déconnecter les patients de la maladie. C’est une activité qui les fatigue énormément, mais c’est une fatigue saine ! » Parfois, F. Pauthier effectue des lectures à voix haute, « il arrive que les malades s’endorment mais le plus généralement, ils sont très attentifs et réactifs, n’hésitant pas à commenter l’histoire ». Elle leur propose aussi d’écrire leur récit de vie.

 

« Les malades peuvent exprimer le besoin de raconter leur histoire, pour laisser une trace à leurs enfants ou petits-enfants. Je les alerte sur le fait que c’est un travail de longue haleine, très prenant, riche d’émotions fortes, des bonnes comme des moins bonnes. Certains patients me confient qu’ils préfèrent cette façon d’appréhender leur vie aux rencontres avec un psychologue, ce à quoi je m’empresse de répondre que l’un n’exclut pas l’autre ! »

Le témoignage de Martine

Diagnostiquée fin 2019, Martine a subi une autogreffe, durant laquelle elle a participé à un atelier d’écriture, au CHU de Rennes. Lorsque Frédérique Pauthier a proposé un atelier d’écriture à Martine, qui se trouvait en chambre stérile, celle-ci a spontanément accepté de participer. L’écrivaine a proposé différents thèmes à Martine : la Joconde, voleur de nuit, imaginer un nouveau musée. Martine s’est tout de suite prise au jeu. « Il fallait décrire comment je voyais la Joconde, son caractère. Pour moi, elle avait une double personnalité : une femme avec un visage d’homme et j’ai suggéré qu’elle s’inscrive à une séance de relooking ! ». Passionnée de randonnée, Martine a imaginé un nouveau musée retraçant l’histoire de la randonnée de 1 800 à nos jours, avec le matériel, les cartes, etc. Les visites étant limitées en chambre stérile, « voir chaque semaine l’écrivaine était une ouverture vers l’extérieur. Écrire m’a procuré de l’évasion, cela m’a fait repenser à mes vacances, cela a meublé aussi mes journées qui étaient longues. S’inventer un personnage que je ne serai jamais pour le voleur de nuit m’a permis de développer mon imagination, j’ai été inspirée par les thèmes et pourtant j’étais fébrile ». Martine qualifie ces ateliers de réel « échappatoire », à la maladie et aux traitements. Ils lui ont permis de se « nourrir d’autre chose que de la maladie, j’ai découvert que j’étais capable d’écrire, je ne savais pas que j’avais cela en moi ».

 

 

 

 

 

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