PARTIE II – ENJEUX & PERSPECTIVES
Quand le vieillissement de la population représente un enjeu de santé publique
Les enjeux portent notamment sur le vieillissement de la population et l’augmentation des maladies chroniques : « La société est prête à investir beaucoup de moyens sur la prise en charge des pathologies cancéreuses, mais il y a de nombreux autres secteurs de la santé qui nécessitent des investissements, notamment pour la prise en charge des patients âgés, de la dépendance, de la fragilité et également dans le domaine de la prévention, pour laquelle nous avons des progrès à faire » souligne le Pr Decaux. Le myélome multiple touche davantage les sujets âgés et comme les traitements permettent aux malades de vivre longtemps, la question de la prise en charge de la dépendance prend d’autant plus de sens. « Nous prenons en charge beaucoup de patients qui arrivent à un âge où se manifestent de la fragilité, de la dépendance. Comment peut-on accompagner au mieux cette dépendance au-delà des traitements de chimiothérapies ? » ajoute-t-il.
Vers une médecine personnalisée et humaine
L’avenir ne réside pas seulement dans l’amélioration des traitements, mais aussi dans une personnalisation à tous les niveaux. Pour Laurent Gillot, « personnaliser la médecine signifie aller au-delà de l’efficacité technique pour intégrer les projets de vie des patients ». Cette vision rejoint celle du Pr Decaux, qui plaide pour accorder davantage de temps aux patients, afin de comprendre leurs priorités et d’adapter les soins à leurs besoins. Le Pr Decaux insiste : « Nous en tant que médecins mais aussi les associations de patients, devons nous battre, certes, pour avoir accès à des thérapies innovantes et efficaces, mais le combat doit aussi porter sur l’amélioration du soin « non thérapeutique », humain. Un patient qui est en rémission de sa maladie, mais qui n’est pas bien pris en charge pour ses douleurs, ses angoisses, sa vie personnelle, sa perte d’autonomie, signifie que nous, professionnels de santé, n’avons pas complètement rempli notre mission ».
Ces soins humains contribuent à améliorer la qualité de vie des malades mais Laurent Gillot souligne que celle-ci ne se mesure pas avec des critères standards. Elle doit inclure des éléments propres à chaque patient, comme la possibilité de poursuivre une activité qui le passionne. « Dans tous les milieux, on parle de qualité de vie. Mais on a tendance à mesurer la qualité de vie avec des critères standardisés sans vraiment tenir compte du malade lui-même et de son entourage ». Car, effectivement comme le précise le Pr Decaux, « évaluer la qualité de vie, c’est prendre du temps avec le malade, elle ne se mesure pas avec un thermomètre ! Il y a du travail pour progresser sur cette notion aussi bien pour les malades que pour les aidants ».
Ces soins humains bien qu’essentiels, restent difficiles à initialiser et à évaluer faute de temps et de moyens. « Le bénéfice d’un temps de psychologue ou d’assistante sociale, par exemple, est difficile à mesurer avec une grille de critères standardisés » complète le Pr Decaux.
Mieux prendre en charge la fin de vie
Avec l’arsenal thérapeutique actuel disponible pour les malades du myélome multiple, les patients ont la possibilité de vivre longtemps avec la maladie. Toutefois, l’AF3M souhaite aborder la délicate question de la fin de vie. Certains malades confient à l’association qu’ils préfèrent tout arrêter plutôt qu’être prolongés six mois supplémentaires dans des conditions de vie qu’ils ne jugent pas bonnes. « Certes, cela est difficile à entendre pour un médecin. Mais parler de guérison sans parler de fin de vie n’est pas envisageable pour moi. Accompagner les malades en fin de vie doit aussi faire partie du travail du personnel soignant, c’est une question essentielle. Il faut parfois savoir dire stop, cela ne peut pas être une course effrénée. Je ne parle pas, bien-sûr, des malades en début de maladie » souligne Laurent Gillot.
Pour le Pr Decaux, la fin de vie est effectivement une question primordiale. « Même un patient qui ne rechute pas de son myélome finira par mourir. En cas de rechutes répétées chez un patient fragile, faut-il proposer un énième traitement avec le risque d’effets secondaire ? Je préfère qu’un patient soit accompagné par ses proches pour mourir à domicile ou dans une unité de soins palliatifs plutôt que de voir un patient décéder à l’hôpital de complications du traitement. C’est certes plus facile pour nous de prescrire plutôt que d’annoncer l’arrêt des traitements, car il faut être capable d’expliquer pourquoi, d’avoir les moyens humains pour accompagner les malades et leurs aidants. » commente le Pr Decaux.
Un débat sociétal indispensable
Les deux intervenants appellent à une mobilisation sociétale. Les enjeux du coût des traitements, du vieillissement, de la fin de vie doivent être discutés au-delà des cercles médicaux et ce pour « préserver un système de santé équitable et généreux ».